Quelle part des émissions de CO₂ provient de l’extraction d’uranium ?

Extraction uranium : émissions CO₂ faibles selon teneur.

Le nucléaire est souvent présenté comme une énergie propre, mais quelle est la réalité des émissions de CO₂ liées à l’extraction d’uranium ? Si cette étape reste marginale par rapport à l’enrichissement (56% des émissions totales) ou à la construction des centrales (25%), elle dépend fortement de la teneur du minerai : passer de 0,15% à 0,01% d’U3O8 peut doubler l’empreinte carbone du cycle nucléaire, atteignant 60 kg CO₂e/MWh. Découvrez comment les méthodes d’extraction, le mix électrique des pays producteurs et les réserves minières influencent ces émissions, tout en restant bien en deçà des énergies fossiles (820 gCO2/kWh pour le charbon).

Décomposition du bilan carbone du nucléaire : quelle est la part de l’extraction ?


L’analyse du cycle de vie (ACV) : une approche indispensable

L’analyse du cycle de vie (ACV) constitue une méthode normalisée (normes ISO 14040-44) pour mesurer les émissions de gaz à effet de serre (GES) sur l’ensemble du parcours du nucléaire, de l’extraction à la déconstruction. Bien que la production électrique soit neutre en CO₂, les étapes en amont (mines, enrichissement) et en aval (traitement des déchets) génèrent des émissions. Cette approche garantit des comparaisons équitables avec d’autres énergies, en intégrant des données comme la consommation d’uranium importé ou les méthodes de fabrication.

Les principales sources d’émissions du cycle nucléaire

Pour un minerai à 0,15 % de concentration en U₃O₈ :

  • Enrichissement du combustible : 56 % des GES, lié à la consommation électrique. En France, cette étape bénéficie d’un mix décarboné (nucléaire, hydraulique), réduisant son impact.
  • Construction des centrales : 25 %, liée à la production de béton (400 000 tonnes pour un réacteur de 1 300 MWe) et d’acier.
  • Opération des réacteurs : 9,4 %, dus aux fuites de gaz SF6, un GES 22 800 fois plus puissant que le CO₂.

L’extraction (minage et broyage) est intégrée au traitement en amont. Une étude allemande estime qu’elle génère 9 tonnes de CO₂/an pour un réacteur de 1 300 MWe, contre 27 200 tonnes pour l’enrichissement. Pour un aperçu complet, consultez cet article.

La contribution minoritaire de l’extraction et du broyage

L’extraction reste négligeable, sauf en cas de faible teneur du minerai. Un passage de 0,15 % à 0,01 % d’U₃O₈ double l’empreinte carbone du cycle (60 kg CO₂e/MWh). Cependant, 80 % des réserves mondiales ont une concentration supérieure à 0,06 %, limitant cet effet. Les méthodes comme l’ISL (in situ leaching) réduisent encore ces émissions.

En France, selon EDF, le nucléaire émet 3,7 gCO₂eq/kWh. L’extraction y contribue à 1,3 g/kWh (35 % du total), inférieur à l’enrichissement (0,4 g/kWh) ou à la construction (0,6 g/kWh). Comparé aux fossiles, il est 10 à 100 fois moins émetteur : le charbon atteint 1 060 gCO₂/kWh, le gaz 418 gCO₂/kWh, tandis que l’éolien terrestre émet 14 gCO₂/kWh et le solaire photovoltaïque 25 gCO₂/kWh (ADEME). Les émissions de méthane liées à l’extraction sont insignifiantes, avec moins de 10 millions de tonnes de minerai extraites annuellement contre 4,5 milliards pour le charbon.

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Les variables qui déterminent l’empreinte carbone de l’extraction

Le processus d’extraction de l’uranium génère des émissions de CO₂, mais leur niveau varie selon des paramètres techniques et géographiques. Ces facteurs influencent directement le bilan carbone global du cycle nucléaire, restant néanmoins bien inférieur à celui des énergies fossiles.

L’impact prépondérant de la teneur du minerai

La teneur en uranium du minerai (exprimée en % d’U₃O₈) détermine la quantité de roche à traiter pour obtenir une unité d’uranium. Par exemple, une mine opérant à 0,01 % de teneur devra traiter 15 fois plus de matière qu’une mine à 0,15 % pour la même production. Cette surconsommation énergétique augmente les émissions de CO₂ liées au minage et au broyage, portant l’empreinte carbone du cycle complet de 34 kg CO₂e/MWh à 60 kg CO₂e/MWh dans ce cas.

En revanche, les étapes ultérieures (enrichissement, construction des centrales) ne dépendent pas de cette teneur. Leur impact reste constant, ce qui rend la qualité du minerai le facteur clé pour limiter les émissions amont.

Les méthodes d’extraction et le mix énergétique du pays producteur

Les techniques d’extraction varient en intensité énergétique : les mines à ciel ouvert et souterraines nécessitent des équipements lourds, tandis que la lixiviation in situ (LIS) consomme moins d’énergie. Cependement, le mix électrique du pays producteur joue un rôle décisif. Une mine alimentée par des énergies décarbonées (nucléaire ou hydraulique) réduit drastiquement ses émissions indirectes, contrairement à une mine dépendant du charbon.

  • La teneur du minerai en uranium.
  • La technique d’extraction employée (ciel ouvert, souterraine, etc.).
  • La nature du mix électrique du pays où l’extraction a lieu.
  • La distance de transport entre la mine, l’usine de conversion et le site d’enrichissement.

La consommation d’énergie pour l’enrichissement de l’uranium, décrite en détail l’enrichissement de l’uranium, reste la plus grande source d’émissions du cycle nucléaire. Toutefois, l’utilisation d’énergies décarbonées pour ces étapes réduit significativement l’empreinte carbone globale.

Le nucléaire face aux autres énergies : une mise en perspective des émissions de CO₂

Les énergies renouvelables et le nucléaire sont souvent positionnés comme des alternatives à bas-carbone. Pourtant, une analyse approfondie des émissions de CO₂ sur l’ensemble du cycle de vie montre que les différences entre ces filières sont marginalement inférieures à ce que l’on pourrait croire. Le GIEC estime que le nucléaire émet en moyenne 12 gCO₂eq/kWh, un chiffre comparable à l’éolien (11 gCO₂eq/kWh) et bien inférieur au solaire (41 gCO₂eq/kWh).

Une énergie parmi les moins émettrices en analyse de cycle de vie

Ces valeurs médianes intègrent l’ensemble des étapes, de l’extraction de l’uranium à la déconstruction des centrales. Malgré des émissions non nulles, le nucléaire reste une solution très performante pour réduire l’empreinte carbone du secteur électrique. Pourquoi ? Parce que même les énergies dites propres génèrent des GES, notamment lors de la fabrication des équipements ou de leur recyclage.

Comparatif des émissions par filière de production électrique

Pour visualiser ces écarts, voici une synthèse des données du GIEC (2018) sur les émissions en gramme équivalent CO₂ par kWh produit :

Source d’énergie Émissions de CO₂ en ACV (grammes de CO₂eq par kWh) – Médiane GIEC
Charbon 820
Gaz naturel 490
Solaire (panneaux sur toiture) 41
Nucléaire 12
Éolien (terrestre) 11
Hydraulique 24

Les énergies fossiles génèrent des émissions 40 à 70 fois supérieures à celles du nucléaire. Même en intégrant les émissions liées à l’extraction d’uranium – qui varient selon la teneur du minerai –, le nucléaire reste une option clé pour décarboner le mix électrique. Cette réalité est confirmée par les scénarios du GIEC pour limiter le réchauffement à 1,5°C, qui prévoient un doublement de la production nucléaire mondiale d’ici 2050. Pour une analyse détaillée sur cette trajectoire, consultez notre article dédié.

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Gestion des déchets miniers et stériles radioactifs

Chaque tonne d’uranium extraite génère des dizaines de tonnes de stériles, résidus contenant des éléments radioactifs naturels comme le radium ou le radon. 90 % de la radioactivité initiale du minerai reste dans ces déchets après extraction. Leur confinement dans des bassins reste un défi, comme en témoigne la rupture de digues à Church Rock en 1979, libérant 1 000 tonnes de stériles dans le Rio Puerco. Ces bassins émettent également du radon-222, un gaz radioactif qui augmente les risques sanitaires à long terme.

Consommation d’eau et risques pour les nappes phréatiques

L’industrie minière consomme 3 à 5 m³ d’eau par kilogramme d’uranium produit. Le drainage minier acide libère des métaux lourds (arsenic, cuivre) et des radionucléides dans les eaux. Les bassins de stériles, même étanches, nécessitent une surveillance perpétuelle. À la mine de Ranger en Australie, des fuites de radium-226 ont contaminé les aquifères. La mine de Rum Jungle, fermée depuis 40 ans, reste un exemple de pollution persistante.

Pour en savoir plus sur la gestion des déchets, consultez notre analyse du cycle du combustible nucléaire.

Impact sur les sols et la biodiversité locale

Les mines à ciel ouvert détruisent jusqu’à 10 km² de terres par projet, effaçant habitats naturels et stockage de carbone. Le compactage des sols réduit leur perméabilité, augmentant le ruissellement de 40 % selon l’AIEA. La réhabilitation post-extraction restaure moins de 30 % des fonctions biologiques initiales, d’après des études en Allemagne. La perte de matière organique et de micro-organismes rend ces sols stériles pour des décennies.

L’extraction d’uranium est une source mineure des émissions nucléaires, dominées par l’enrichissement (56%) et la construction (25%). Sa part dépend de la teneur du minerai et du mix électrique des pays producteurs. Le nucléaire reste bas-carbone, équivalent à l’éolien et inférieur au solaire ou aux fossiles, justifiant son rôle dans la transition énergétique. (58 mots)

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